Tous les perdants du 4 MarsLettre d’Italie, n. 2


Tous les perdants du 4 Mars
Lettre d’Italie, n. 2


GIUSEPPE SACCO




Des quatre Chefs du Gouvernement qui ont dominé la scène italienne au cours du dernier quart de siècle, tous sont sortis perdants des élections du 4 Mars.

 

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Un des perdant est certainement Silvio Berlusconi, qui a gardé le plus longtemps le devant de la scène italienne, et qui est sorti personnellement très affaibli, et même marginalisé. Son parti, Forza Italia, n’a en effet eu que 14,2%. Mais la sienne est une étrange défaite, qui – comme l’on a pu le voir au bout de quelques semaines – l’a mis en condition d’interdire au moins provisoirement au Mouvement Cinq Etoiles de gouter le fruit de son 32%. Car son mouvement, Forza Italia, s’est en effet présenté aux élections de 2018 comme faisant partie d’une coalition – le centre-droit – que Berlusconi avait lui-même créée en 1994, et rendue acceptable à la majorité des Italiens, et qui dans son ensemble a obtenu, le 4 Mars, plus de voix (37%) que tout autre force politique.

La défaite de Berlusconi est rendue encore plus étrange – mais pas moins vraie – par le fait qu’un rejet beaucoup plus lourd a connu l’homme qui l’avait combattu et lui avait parfois même brièvement arraché le rôle de premier, Romano Prodi. Celui-ci a, en effet, payé un prix très dur au fait de représenter, aux yeux d’une opinion publique qui traverse une phase de déception et de forte irritation envers l’unification européenne, non seulement le Chef du Gouvernement responsable de la participation de l’Italie à la monnaie unique, mais aussi le Président de la Commission qui a fait entrer dans l’UE dix nouveaux pays demandeurs d’aide et de ressources ; dix pays d’où arrivent plein d’immigrés et de nomades, et dont les gouvernements sont adeptes d’un dumping fiscal qui a gravement porté atteinte à l’économie italienne.

Prodi a en effet été littérairement pulvérisées par le jugement électoral, qui a donné 0.5% au mouvement « Insieme! » qu’il avait sponsorisé. Et cela pour ne pas parler d’un autre ancien Chef du Gouvernement, qui n’a même pas été réélu au Parlement : Massimo D’Alema, un ex-communiste tellement aligné sur l’administration Bush qu’en 1999 il avait envoyé l’Armée de l’air italienne bombarder Belgrade, avant meme qu’une telle action fut approuvé par le Parlement.

Mais c’est surtout à Matteo Renzi – qui a vu ses électeurs aux européennes de 2014 (40,82%) plus que divisés par deux (22,85% pour la Coalition de centre-gauche, dont 18,72 pour le Parti Démocratique) – que le vote des Italiens a infligé une autre déroute, qui a confirmé celle déjà essuyée, avec 59,11% de “Non” (lors du referendum du 4 Décembre 2016 sur la réforme de la Constitution. L’homme qui avait essayé d’introduire – par un radical renouveau générationnel – la remise-en.marche de l’économie dans le cadre de l’Europe, plus des réformes indispensables dans le système institutionnel, ainsi qu’un début de rationalisation et d’assainissement de la machine de l’Etat, a dû prendre note du fait que l’écart entre l’establishment politico-bureaucratique et la société est désormais trop large pour qu’on puisse l’enjamber avec des réformes et de conciliation des intérêts.

D’un coté, on ne peut plus ignorer l’exaspération de la majorité des Italiens, se voyant comme des perdants d’une « mondialisation » qui prend la forme d’un appauvrissement généralisé, et surtout de l’arrivée en masses d’immigrés. Ce qui fait craindre une dangereuse rupture, le conflit social étant désormais trop extrême pour qu’un projet de relance fondé sur le simple slogan de la « modernisation » puisse recueillir le consensus populaire.

D’autre coté, pour obtenir ce consensus de la majorité de l’électorat, tout projet de relance devrait couper trop à fond dans les intérêts et les positions parasitaires, pour ne pas être coulée par l’obstruction que peut mette en acte la « caste » politico-bureaucratique, d’autant plus farouchement accrochée à ses petits privilèges qu’elle commence elle aussi a craindre la « globalisation sauvage » dont l’intégration européenne lui apparaît rien d’autre qu’un faux semblant.

Comme l’a écrit le journal de la haute bourgeoisie milanaise, le « Corriere della Sera », qui n’est pourtant pas du tout politiquement souverainiste, Renzi “n’a pas compris qu’il devait remplacer l’ancien par quelque chose de nouveau qui, cependant, aurait du continuer à définir le PD comme un parti de gauche. Il pensait qu’un parti de gauche devait essentiellement se qualifier comme un parti allié à la modernité, tandis qu’il aurait tout d’abord du critiquer les nombreux aspects négatifs de celle-ci: les critiquer, bien sur, sans a priori, de façon originale, et en suggérant des nouvelles réponses – mais les critiquer quand même».

Renzi a donc lui aussi été battu, et de meme de façon sévère. Mais, grand tacticien, il a cependant réussi – grâce à une préalable réforme d’inspiration proportionnelle de la loi électorale – a empêcher qu’il y eût, parmi ses adversaires, un vrai gagnant. Ni la coalition de centre-droit, ni les Cinq Etoiles sont en effet sorties de l’affrontement électoral avec une majorité qui puisse leur permettre de gouverner, ce qui – dans les desseins de Renzi – auraient du créer les conditions pour exclure les « populistes » des Cinq Etoiles, et donner vie à une alliance entre centre-gauche et centre-droit, où meme pour la naissance d’un « Parti de la Nation » enfin en état de mener à bien son grand projet de relance nationale.

Le diable se cachant dans les détails, l’imprévisible est cependant arrivé. Et il a pris la forme d’un bouleversement des rapports de force à l’intérieur du centre-droit, où Forza Italia, le 4 Mars 2018 n’a obtenu que 14,01%, tandis que son junior partner, la Ligue, passait de 4 à 17,2%, et le chef de cette dernière, Matteo Salvini est devenu le leader de la coalition. Or, dans le centre-droit, Forza Italia représente un élément centriste traditionnel, la formation sociale à laquelle regardait Matteo Renzi pour son alliance réformiste.

La Ligue, au contraire, est le fruit de la transformation, sous la pression de la crise que traversent depuis plus de dix ans la société et l’économie italienne, de la Ligue Nord – un mouvement régionaliste aux râlants séparatistes – en un parti anti-globaliste et anti-immigrés, avec même des traits protectionnistes et anti-européens, et surtout critique des EE. UU et pro-Putine, une attitude, cette dernière, dont on ne comprends pas quel bénéfice l’Italie, la Ligue, où meme Salvini personnellement, pourrait en tirer. Franchement trop pour les ex-communistes du PD. Bref, plus un possible allié des Cinq Etoiles, un produit de la même saison socio-politique, qu’un partenaire pour le projet des minorités intellectuelles et professionnelles qui ont voté pour Matteo Renzi. Bref, l’exploit de Salvini a rendu pratiquement impossible le projet d’une coopération entre centre-gauche et centre-droit – que meme un Renzi humilié par le résultats des élections aurait pu essayer de mener à bien –, et a fait entrer le PD de plein titre parmi les perdants du 4 Mars.

Rome, 15 Avril 2018 (à suivre)

 

 

 

 

 

One Response to “
Tous les perdants du 4 Mars
Lettre d’Italie, n. 2”

LtWr

762134 375611Im glad I found your article. I would never have made sense of this topic on my own. Ive read a few other articles on this subject, but I was confused until I read yours. 725258

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